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DNA du 29 mars 2020

Dans les épidémies de jadis

La lutte générale menée contre la pandémie qui sévit actuellement dans le monde nous rappelle que, dans son histoire, l’humanité a constamment été frappée, à intervalles plus ou moins espacés, par de tels fléaux.

La grippe espagnole

On évoque ces temps-ci dans les médias et dans les conversations, les ravages causés, il y a cent ans, par la grippe dite espagnole parce que, en Espagne, pays resté neutre pendant la Grande Guerre, le gouvernement n’a pas caché le nombre de victimes, de sorte que les gens ont cru que ce pays en était à l’origine.
Apparue en hiver 1918 à Boston, elle a été introduite en France par les soldats américains. La censure officielle, craignant de démoraliser au mauvais moment l’opinion publique et les troupes, a empêché d’en parler et de la combattre efficacement.
On estime aujourd’hui le nombre de victimes, de 1918 à 1920, à 50 millions dans le monde, 400 000 en France, dont 100 000 parmi les troupes alliées au front. Chaque famille déplore en son sein un ou plusieurs décès dus au virus, en plus des victimes de guerre.

Le choléra

Le XIXe siècle, lui, a connu plusieurs vagues du choléra en Europe, dans les années 1820 et plus nettement en 1832 et 1854 et encore vers 1866-1867, causant chaque fois une mortalité accrue.
Un ancêtre de Boris Vian, par exemple, Louis Alexandre Ravenez, en est mort en 1854 à Marseille, où il était commissaire de police. Chaque fois, le point de départ de l’épidémie était le Bengale.
Les virus se propageaient jadis plus lentement que de nos jours, mettant des mois, voire une année, pour gagner nos contrées, les voyages s’effectuant principalement par mer.

La peste

Autrefois, la médecine ne parvenait pas encore à identifier la véritable cause des épidémies successives ni à les diagnostiquer. On les qualifiait de peste, terme qui ne s’appliquait pas seulement à la peste bubonique, mais aussi à d’autres maladies contagieuses mal déterminées. Les chroniques alsaciennes décrivent plusieurs de ces invasions.
Au départ, le responsable de la peste bubonique est le rat noir, originaire du sud de l’Asie, amené en Europe au Moyen Age par bateau. Quand il est lui-même atteint par le virus, il sort de son trou pour mourir. Ses puces contaminent ensuite l’homme. La mémorable pandémie de 1348-1349 a été la plus dévastatrice sur le continent, tuant de 30 à 50 % de la population, selon les régions.
A Strasbourg, comme ailleurs, on accusa les juifs, pourtant atteints eux-aussi, d’empoisonner les puits. Le boucher Jean Bettschold, élu le 13 février 1349, qui fut le premier ammeistre issu des corporations, autorisa la populace à massacrer les juifs et à brûler leurs maisons.
A partir du XVIe siècle, la tenue des registres de sépulture permet de suivre les courbes de la mortalité d’une localité. Le double du nombre de décès observé une année par rapport à la moyenne des années normales est le signe d’une crise.
Un historien l’a remarqué pour Strasbourg durant les années 1564, 1567 et 1622. Pour une population de quelque 25 000 habitants, un chroniqueur évalue à 3 000 les Strasbourgeois morts de la peste en 1540-1541.
A la première alerte, le stettmeistre Jacques Sturm éloigne de la ville les professeurs de la Haute Ecole, dont Calvin, avec leurs étudiants, car il a remarqué que les intellectuels succombaient les premiers. Plus tard, jeune marié, Calvin, alors à un colloque à Ratisbonne, tremble pour sa femme Idelette et la renvoie de leur logis pour la mettre à l’abri chez son frère, Lambert de Bure, parce que leur pensionnaire, son assistant, a été emporté par l’épidémie. Son collègue, le réformateur Gaspard Hédion, le sera en 1552. La peste touche également les notables, tels, en 1564, le banquier bâlois Jean Jacques Rüdin, ancêtre de l’acteur Claude Rich, et Georges Vogel, stettmeistre de Colmar, aïeul d’Auguste Bartholdi.
La guerre de Trente Ans ravage l’Alsace à partir de 1621. En plus des ruines causées par les combats, les pillages des soldats, les incendies et les rançons, les maladies se répandent. Ainsi en 1622, les soldats de Mansfeld apportent la peste à Bouxwiller, peuplée d’un millier d’habitants augmentés de l’afflux des réfugiés des alentours. D’une cinquantaine de décès jusqu’alors enregistrés par an, les pasteurs en notent 513 pour cette année-là, dont 104 pour le seul mois de juillet.

Une thérapie spirituelle

Si de nos jours, on guérit les pestiférés à coup d’antibiotiques, jadis les moyens prophylactiques manquaient cruellement. Alors, tout naturellement, les gens se tournaient vers la religion et priaient pour la fin de l’épidémie, de quelque nature qu’elle fût. On a la chance de conserver trois témoignages de cette dévotion, rédigés en français dans des registres tenus en latin par des curés de la vallée de la Bruche, confrontés chacun à une vague soudaine de décès.
En décembre 1710, "une maladie assez inconnue" attaque le haut de Russ et enlève "en peu de jours dis gros corps". Affolés, les habitants font le voeu d’un office en l’honneur de saint Sébastien pour obtenir sa protection. A peine le voeu fait, la maladie s’arrête, s’enthousiasme le curé. Le voeu est renouvelé en 1722 (une grande épidémie de peste sévit en France depuis 1720) et le curé ajoute que "l’Eglise a accoutumé d’invoquer ce saint contre la peste et autres maladies contagieuses".
A leur tour, ceux de Wisches choisissent en 1738 de s’adresser à "saint Guérin, confesseur et pontife ... contre toutes sortes de maladies infectantes et nuisibles, tant à eux qu’aux animaux...". L’intercession des saints Sébastien et Roch était le plus souvent sollicitée en Alsace contre la peste, mais Guérin y fait exception, étant plutôt vénéré dans sa Lorraine natale.
Le troisième voeu est prononcé à Lutzelhouse en 1721 pour obtenir l’intercession de saint Hubert contre la rage. La spécialité attribuée à ce saint est de protéger les chasseurs et les chiens des morsures et, par extension, de cette affection mortelle.
Pour célébrer la délivrance d’une épidémie meurtrière, de nombreuses villes d’Autriche ont érigé aux XVIIe et XVIIIe siècles une colonne commémorant leur délivrance. Une idée à retenir pour nos nouveaux édiles, élus en pleine pandémie ?

Paul Christian Wolff

 

Image 1 : Un médecin incise un abcès de peste (Droits réservés DNA)
Image 2 : Vitrail datant du début du XXe siècle de Jean Calvin, église du Raincy (93) (Photos archives DNA)
Image 3 : A droite, dans l’église Saint-Jacques, la statue de saint Sébastien de Riedseltz, saint invoqué au Moyen Age pour conjurer la peste et, plus tard, pour protéger les enfants, mais aussi les animaux, des maladies infectieuses (Photos archives DNA)